Porte-jarretelles contre tailleur sage. Guêpières sexy contre lunettes à monture épaisse. Candice, étoile montante du porno, tente de se fondre dans la masse des étudiants en philo de la Sorbonne. Attirée par Pascal, brûlante de désir pour Kant, Candice redevient Karine, jeune femme taraudée par de grandes questions existentielles : le sens de la vie, la mort, l'infini...
A l'image de son héroïne, QI, série diffusée par Orange Cinémax, réussit à créer la surprise en glissant sous le vernis de la comédie légère un discours d'une insoupçonnable profondeur. Car, à côté des hardeurs bas du front, ses auteurs ont su créer des personnalités tout en finesse, drôles et touchantes à la fois, fruit d'un travail initié par Violaine Bellet, co-scénariste (avec Olivier de Plas et Géraldine Bert) spécialiste de la psychologie appliquée à la caractérisation des personnages.
« Avant d'être associée comme coauteure, j'ai été contactée pour épauler Olivier de Plas, le créateur de la série, en tant que consultante. Le personnage de Candice était flottant. J'ai essayé de comprendre les ressorts psychiques d'un individu qui fait du porno. Il y a, à l'origine, une souffrance qui provoque un clivage entre le corps et les sentiments. Ce clivage-là est intéressant, car il est tragique. Mais il peut aussi faire rire. » Par le biais de la pensée, Candice va découvrir le plaisir charnel, mais, aussi, apprendre à écouter ses propres désirs. « C'est un parcours initiatique. Elle se construit par et à travers la série. Elle va s'affirmer en passant par la révolte, s'émanciper. »
QI et son intérêt stimulant pour les tourments de l'âme humaine s'engouffrent dans une brèche ouverte depuis peu dans la fiction française. Violaine Bellet, également consultante pour la série Un village français, y fait figure de pionnière. « En sortant de la Fémis, section scénario, j'ai ressenti une frustration. L'approche des personnages était très axée sur leur situation sociale. Or ce qui intéresse les séries américaines, ce sont des problématiques psychologiques fortes, comme dans Breaking bad. J'ai étudié la sexologie, la philosophie et la psychologie. En France, les auteurs ne connaissent pas la diversité des profils possibles entre les sadiques, les hystériques, les masos... et on se retrouve avec des personnages qui se ressemblent tous. » En s'offrant un passage sur le divan, la fiction française aurait donc tout à gagner. « La maîtrise de ces mécanismes psy permet le sous-texte : l'inconscient du personnage s'adresse à l'inconscient du spectateur. »