Une course-poursuite dans un dédale d'escaliers en métal d'une usine désaffectée, un homme tombe et se raccroche comme il peut à une poutrelle. Il supplie son poursuivant de lui tendre la main. Le premier est un tueur en série pédophile, le second un flic, Luther (Idris Elba) ; jeu de regards entre les deux en gros plan à la façon d'un western. Luther, d'un léger coup de pied, finit par pousser le meurtrier, qui s'écrase au sol. Pas mort, mais dans le coma. Malgré ses compétences, Luther est suspendu.
Après ce préambule qui apporte certaines clefs du caractère de l'inspecteur, le premier épisode de Luther, série britannique diffusée sur Canal +, commence sur une nouvelle enquête de Luther, qui reprend du service. Sa hiérarchie lui fait encore confiance, tout en le mettant en garde : « Respectez les procédures. » Elle sait que le policier reste fragile, en proie à des émotions qui le poussent à des accès de violence qu'il a du mal à contrôler ; d'autant que sa femme, Zoé (Indira Varma), le quitte pour un autre homme.
Il doit enquêter sur le meurtre d'un couple dont les cadavres ont été découverts par leur fille, Alice (Ruth Wilson). Commencent la procédure habituelle et les interrogatoires.
Que du classique somme toute pour une série policière. Mais Luther n'a rien de conventionnel, on peut faire confiance au créateur et scénariste anglais Neil Cross. Rapidement, l'inspecteur, guidé par son intuition et sa perspicacité, comprend qu'Alice a tué ses parents. Luther est sûr de se trouver en présence d'une femme très intelligente (elle a fait de brillantes études d'astrophysique) et complexe. Malgré le manque de preuves, il parle de son intime conviction à Alice.
Cette dernière ne se laisse pas démonter par ses accusations, n'infirme ni ne confirme, davantage intéressée que craintive. Elle comprend qu'elle a enfin devant elle un adversaire à sa mesure et le met au défi de l'arrêter. Commence entre Luther et la meurtrière présumée un étrange jeu où les protagonistes prennent tantôt le rôle du chat, tantôt celui de la souris. D'autant qu'Alice, sensible au charme cabossé du policier, veut l'aider à reconquérir sa femme et, comme on le verra dans les autres épisodes, à résoudre ses affaires criminelles. Alice, et c'est une originalité de la série, en devient le fil rouge, puisqu'on la retrouve tout au long des épisodes, y compris dans la deuxième saison.
Idris Elba (Golden Globe du meilleur acteur pour Luther en 2012) porte sa série de bout en bout grâce à son charisme, sa psychologie (à la façon de Tim Roth dans Lie to Me, il sait interpréter les détails du langage corporel) et ses défauts qui entament sa cuirasse en évitant d'en faire un superflic. On est loin du manichéisme façon Experts.
Comme souvent dans les productions britanniques, la réalisation est de qualité, tout comme l'image et la lumière, et le réalisme de certaines scènes accentue l'atmosphère sombre dans laquelle est baignée la série, à l'instar de son héros. À noter, le générique porté par Paradise Circus, une composition du groupe Massive Attack.