Polar crépusculaire diffusé sur Canal+ depuis le 23 avril 2012, Luther lance un flic aux méthodes peu orthodoxes (interprété par l'impressionnant Idris Elba, vu dans The Wire/Sur écoute) à la poursuite de tueurs psychopathes qui frappent au cœur de Londres. Une série captivante, qui ausculte les recoins les plus sombres de l'âme humaine – celle de son héros, John Luther, comme celle des tueurs qu'il traque –, sur fond de faits divers violents. Rencontre avec son créateur, Neil Cross, ancien scénariste de [MI-5] et auteur de thrillers à succès outre-Manche (1) .
Quelles sont vos sources d'inspiration pour le personnage de John Luther ?
Je suis un immense fan de Columbo. Peter Falk restera pour moi le plus grand acteur de l'histoire de la télévision. Au-delà de ça, la série elle-même m'a beaucoup inspiré par sa construction inhabituelle. L'enjeu dans Columbo n'est pas « qui a tué ? », mais « comment coincer celui qui a tué ? ». C'est une sorte de polar inversé, qui commence par la révélation du coupable. J'ai également fait quelques emprunts à Sherlock Holmes, dont j'aime le côté intellectuel, le plaisir qu'il prend à collecter des indices. Mais, pour John Luther, ses enquêtes n'ont rien d'un jeu ; il est beaucoup plus dans l'analyse psychologique de ses adversaires.
Luther est une série très sombre. Qu'est-ce qui vous fascine dans la noirceur de l'âme humaine ?
J'ai toujours été attiré par les antihéros. J'aime ces personnages qui s'attaquent à plus forts qu'eux, qui ont les yeux plus gros que le ventre. Je trouve, par exemple, Han Solo bien plus intéressant que Luke Skywalker. Les criminels psychopathes que Luther affronte n'incarnent pas un fantasme, ils ne sont pas la manifestation d'une violence que je cacherais en moi : ils sont, au contraire, l'expression de mes peurs les plus terribles.
Leur folie est parfois exagérée. Ils semblent davantage sortis d'une BD que de la réalité...
Il y a un aspect « roman graphique » dans Luther. Les « méchants » ont ce côté excessif, les ombres sont soulignées, les couleurs sont plus dures, le mal est plus poisseux. Pour autant, la majorité des histoires que je raconte s'inspirent de faits divers. Si nous n'avions pas ce lien au monde réel, la série ne serait pas aussi effrayante.
Dans Luther, la violence est omniprésente, mais parfois juste suggérée...
Je veux manipuler le téléspectateur, jouer avec ses peurs, et plus particulièrement avec une certaine anxiété urbaine. Si vous mettez en scène un événement qui semble intime, quotidien au téléspectateur, vous l'effrayez d'autant plus. Quand un psychopathe s'attaque à une station-service ou à un immeuble de bureaux, le téléspectateur se met aisément à la place des victimes. C'est l'aspect domestique du crime plus que sa violence qui provoque le choc.
Luther ne serait-il pas une sorte de polar terroriste ?
C'est tout à fait ça. Quand j'ai créé Luther, j'avais envie d'une série où les meurtres seraient des actes de terrorisme. Et je voulais, dans mon écriture, utiliser les mêmes méthodes, les mêmes outils que les terroristes. J'aime rendre les gens anxieux, qu'ils ne se sentent pas en sécurité chez eux...
Et qu'incarne John Luther dans tout ça ?
Il représente le public. Nous avons tous été témoins un jour d'une agression, d'une bagarre, et nous nous sommes dit : « Il faut que je fasse quelque chose », sans pour autant intervenir. John Luther est ce « nous » qui prend la bonne décision et intervient, quelles que soient les conséquences. Il est comme nous, mais il est aussi le meilleur d'entre nous, et il en paie le prix fort.
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