Photo: Shutterstock
Détenez-vous des titres en portefeuille pour lesquels vous entrevoyez peu d’espoir de rebond? Avez-vous le réflexe de les conserver, étant donné qu’ils se sont déjà fortement dépréciés en Bourse?
Selon la théorie de l’utilité espérée («expected utility theory»), un investisseur devrait prendre des décisions rationnelles face aux rendements et aux risques liés à ses titres. Par exemple, si votre tolérance au risque s’avère peu élevée, vous opterez probablement pour des investissements au potentiel de gain modeste, accompagnés d’un risque également modeste.
Au début des années 90, les psychologues Kahneman et Tversky ont développé la théorie des perspectives («prospect theory»), qui stipule que les gens adoptent des comportements différents face aux pertes et aux gains.
Voici un exemple souvent utilisé pour décrire le réflexe humain selon cette théorie:
1. Vous avez 1000$ et devez sélectionner un des deux choix suivants :
A. Vous avez 50% de chances de gagner 1000$ et 50% de chances de gagner 0$.
B. Vous avez 100% de chances de gagner 500$.
2. Vous avez 2000$ et devez sélectionner un des deux choix suivants :
A. Vous avez 50% de chances de perdre 1000$, et 50% de chances de perdre 0$.
B. Vous avez 100% de chances de perdre 500$.
Logiquement, un individu devrait soit choisir «A» dans les deux cas, soit «B». Or, en pratique, nos deux psychologues ont découvert qu’une grande majorité de gens préféraient «B» pour la première question, et «A» pour la deuxième.
La théorie des perspectives démontrent qu’afin d’éviter la douleur de la perte, les investisseurs sont prêts à assumer un risque, même si cela ne devient plus rationnel. Comme la perte crée une réaction émotionnelle plus importante qu’un gain similaire, les gens réagiront différemment, même face à un résultat similaire. Par exemple, un individu préfèrera gagner 50$, plutôt que de gagner 100$ et perdre ensuite 50$. Mêmes résultats, mais les charges émotionnelles diffèrent.
En quoi cette théorie devrait intéresser tout investisseur en Bourse? Elle est probablement vécue par beaucoup d’épargnants en ce moment, étant donné la correction boursière des derniers mois.
Si vous détenez des titres perdants en portefeuille, vous pourriez avoir le réflexe de les conserver uniquement dans l’espoir d’éviter une perte. Pour savoir si la théorie s’applique pour un titre en particulier, on peut se poser la question suivante: «acheterais-je ce titre aujourd’hui si je ne l’avais jamais eu?».
Si la réponse verse clairement dans la négative, vous pouvez en tirer vos propres conclusions. Normalement, si un titre solide en lequel vous éprouvez une confiance raisonnable quant à ses perspectives s’effondre, vous devriez l’aimer davantage à son prix plus bas. On souhaite logiquement en racheter!
Peut-être que vous vous posez la question: «c’est bien beau mais, si la situation change dans la société, mon titre explosera, et je manquerai le rebond si je vends!».
Nous pensons tous à ce genre de possibilité, ce qui fait que conserver le titre revient à se prévaloir d’une assurance. On prend le risque de tout perdre, surtout pour éviter la frustration qu’engendrerait son rebond si on le vendait maintenant.
Il n’existe pas de solution facile à ce dilemme, mais on peut tenter d’éviter le plus que possible de se retrouver avec ce genre de titre par une sélection rigoureuse au départ (sociétés peu endettées, modèle d’affaires solide, direction compétente et honnête, etc).
Néanmoins, lorsque vous aboutissez avec ce genre de titre malgré tout, cherchez à le comparer avec les autres titres disponibles en Bourse. Si vous trouvez une aubaine extraordinaire beaucoup moins risquée, votre décision sera facilitée, et votre risque de manquer le rebond sur le titre perdant pourrait être compensé par l’appréciation de votre nouveau titre.