Le sadisme correspond à un profil psychologique d'une personne qui prend du plaisir en faisant ou en regardant souffrir autrui. Contrairement à ce que l'on croit trop souvent, le sadique n'est pas forcément sexuel. Moral, criminel, blasphématoire… les variantes sont nombreuses. Sommes-nous tous plus ou moins sadiques ? Zoom sur les différents visages du sadisme.
"Le sadisme est une tendance présente en tout le monde. Nous avons tous une tendance sadique originelle qui prend différentes formes en grandissant", avertit le psychanalyste Gérard Bonnet. Selon l'auteur du livre Que sais-je ? Les perversions sexuelles, nous serions donc tous atteints de "ce trouble de la personnalité, qui devient une véritable maladie quand il prend un caractère criminel et répétitif". En effet, le sadisme peut prendre de nombreux visages. Portraits de personnalités sadiques.
Le sadisme sexuel
"Il s'agit de la forme de sadisme la plus connue et la plus étudiée", commente notre expert. Le sadisme sexuel correspond à un besoin de douleur dans la sexualité. "Le sadique sexuel a besoin de faire mal pour prendre du plaisir." Il trouve l'excitation et la jouissance sexuelle dans la douleur et/ou l'humiliation infligée à l'autre.
Le passage à l'acte délictueux d'un sadique sexuel est souvent ritualisé et préparé. "Le sadisme sexuel est plus souvent masculin que féminin. C'est plus violent. Les délits de femmes sadiques sexuelles sont extrêmement rares."
Le sadomasochisme
"Dans le sadomasochisme, le plaisir se trouve des deux côtés. Ce ne sont pas vraiment des personnalités sadiques, plutôt des personnes qui ont des tendances sadiques qu'ils mettent en scène dans le couple", explique le psychanalyste. Dans cette forme "d'amour" poussé à l'extrême, le sadique entretient une relation consentie avec un masochiste. Quand le premier est actif, le second est passif. Les deux protagonistes sont alors sexuellement excités par la relation de douleur.
Il existe une différence entre le comportement sadique qui inflige des violences à autrui sans se soucier de son consentement et le sadomasochisme qui est un accord entre adultes consentants. "Les vrais sadiques ne sont pas intéressés par les masochistes et inversement. Le sadique aime la souffrance infligée à l'autre, mais si elle est source de plaisir comme pour les masochistes, alors ça ne fonctionne plus. Et dans les relations sadomasochistes, les protagonistes aiment avoir le contrôle de ce qui se passe".
Dans ce rapport de violence, il faut rester vigilant pour ne pas être dépassé : "Il s'agit d'un "jeu" qui peut aller loin dans l'attaque du corps. Il faut prendre garde à ne pas aller trop loin. Quand on attaque l'intégrité corporelle, qu'il y a des mutilations, qu'on s'en prend aux organes, alors il faut dire stop. On atteint là les limites du sadomasochisme", commente Gérard Bonnet.
Les autres formes de sadisme
Si le sadisme sexuel est l'une des formes de sadisme la plus connue, ce n'est pas la seule. Un trouble de la personnalité sadique peut exister en dehors du sadisme sexuel. Il faut d'ailleurs rappeler que la peine infligée par un sadique peut être aussi bien physique que psychologique. Et dans tous les cas, le sadique réduit l'autre à l‘état d'objet.
Le sadisme criminel
Comme le rappelle le psychanalyste : "On a tous une part de sadisme plus ou moins forte en nous. On l'intègre dans sa vie de tous les jours à cause de l'éducation, des règles…" Mais quand les individus ne réussissent pas à canaliser ou à exprimer leur sadisme dans leur vie de tous les jours, ils peuvent passer à l'acte. Un passage à l'acte qui, selon l'expert, est provoqué par des circonstances opportunes : "Ils dérapent car l'occasion se présente."
Gérard Bonnet illustre ce propos en citant l'exemple de personnes "très calmes qui n'ont aucune tendance à la violence et qui vont devenir très cruelles car l'opportunité s'est présentée". "On le voit bien en temps de guerre, des personnes au-delà de tous soupçons se livrent à des exactions terribles et peuvent même y prendre un certain plaisir", explique-t-il. Une part d'ombre dans notre fort intérieur dont nous n'avons même pas conscience, qui fait dire au psychanalyste que "nous devons nous méfier de notre propre sadisme".
Le sadisme moral
Le plaisir du sadique moral prend naissance dans la souffrance psychologique de l'autre. Il peut se montrer cruel, manipulateur, avilissant et éventuellement agressif envers les autres. "C'est la personne déplaisante qui pique toujours au vif, qui se montre sadique par rapport aux règles sociales", précise Gérard Bonnet. S'il n'y pas de particularité sexuelle apparente dans ce type de sadisme, "il y en a certainement inconsciemment".
Le sadisme blasphématoire ou "sacrilège"
Certaines personnes trouvent la jouissance en détruisant des symboles, en profanant des cimetières, des tombes... Malheureusement, leurs détériorations font assez souvent la Une des journaux. Pour Gérard Bonnet : "Ces personnes prennent du plaisir à détruire ce qui représente des symboles. Elles savent qu'elles feront du mal aux personnes pour qui ces symboles ont une importance." Il s'agit là encore d'une forme de sadisme, moins connue il est vrai.
Le sadisme chez les enfants
Le sadisme est une tendance présente chez tout le monde, elle l'est également chez l'enfant. "Il y a de la cruauté chez l'enfant et il faut en être conscient", éclaire le psychanalyste. Selon lui, il faut rester vigilant car des actes de cruauté pendant l'enfance, envers des animaux notamment, peuvent mener à du sadisme à l'âge adulte.
Pour le spécialiste, il ne faut pas dramatiser la situation quand on se trouve face à un enfant cruel, ni faire la politique de l'autruche. "Il faut toujours questionner l'enfant. S'il s'en prend à un animal, lui faire remarquer qu'il s'agit d'un être vivant comme lui et que ce n'est pas un objet." Il faut lui apprendre à bien faire la différence entre le vivant, que l'on respecte, "et les objets auxquels on peut parfois s'attaquer".
Le sadisme, un trouble de la personnalité difficile à soigner
Comme nous l'explique Gérard Bonnet, le sadisme "est un trouble de la personnalité". "Il devient une maladie mentale quand le sadisme se fait criminel et répétitif." Quand le sadique n'est plus maître de ses pulsions, le trouble se mue en maladie. Et l'expert ne se veut pas très rassurant : "Il ne faut pas se faire d'illusion, quand on se trouve face à un sadisme criminel, répétitif, ce n'est pas soignable. La seule solution que nous avons aujourd'hui c'est l'enfermement".
Il nuance tout de même en expliquant que dans certains cas rares ces personnalités peuvent changer mais cela "prend des années". Il faut qu'en prison un suivi approfondi soit mis en place, avec du personnel adapté, capable d'écouter ces sujets. Mais surtout, composante indispensable : "Ils doivent formuler d'eux-mêmes la demande d'être soignés", explique notre expert. "Or, très peu font cette démarche car leurs actes leur apportent une telle jouissance qu'ils ne veulent pas être soignés". Tout de même, certains "réclament la prison car ils savent que seuls l'enfermement complet et l'isolement pourront les empêcher de recommencer".
Si le sadisme en tant que maladie mentale est difficile à soigner, il en va autrement pour le sadisme en tant que trouble de la personnalité. Pour ces cas, "la thérapie aide". Mais une fois de plus, elle doit vraiment être motivée par un désir des sadiques. "S'ils prennent conscience de leur état, ils peuvent être aidés. Par exemple, dans le cas des maris violents qui se sont laissé prendre dans la spirale et que le sadisme s'installe, une psychothérapie peut les aider." Mais il faut bien sûr demander de l'aide dès que l'on se sent dépassé, avant de tomber dans la criminalité qui marque souvent un point de non-retour.
Jessica Xavier
Créé le 10 septembre 2013
Sources :
1- Interview de Gérard Bonnet, psychanalyste à l'Association Psychanalytique de France
2- Forensic Psychiatry
3- The various faces of sadism, George B. Palermo
4- The psychology of wickedness: psychopathy and sadism, J. Reid Meloy
5- Violence against animals and people : is aggression against living creatures generalized ?, Felthous AR, Kellert SR.
Que Sais-je ? Les perversions sexuelles
Gérard Bonnet
Editions Puf
129 pages
Prix : 9 €
- Principales maladies psy
- Le sadomasochisme
- Choisir son psy
- Psychologie de l'enfant
Recommander sur Google