Le MBTI est le plus célèbre des tests de personnalité, au point que certaines entreprises le fassent passer à leurs nouvelles recrues. Mais ce test psychologique ne semble pas avoir des bases très solides…
Si vous êtes intéressé-e-s par les questions de personnalité et de psychologie, vous connaissez sûrement l’un des plus célèbres tests en la matière : le Myers Briggs Type Indicator, également connu sous le petit nom de « MBTI ».
Qu’est-ce que le MBTI ?
La première version du test a été proposée en 1943 par un duo mère-fille. Inspirées par les travaux de Carl Jung (dans les années 1920, le psychiatre considérait que les individus pouvaient être classifiés selon des « types psychologiques »), Katharine Cook Briggs et sa fille Isabel Briggs Myers conçoivent un questionnaire pour identifier le type psychologique d’une personne.
Pour l’anecdote, il semblerait que Katharine se soit penchée sur l’idée de personnalité après avoir rencontré son futur gendre, qui avait une vision du monde très différente de la sienne !
Au travers d’un certain nombre de questions, le MBTI souhaite explorer votre type de personnalité au travers de 4 dimensions :
- L’extraversion (E) – introversion (I), c’est-à-dire ce vers quoi vous orientez votre énergie
- La sensation (S) – intuition (N), qui se réfère à la manière dont vous recueillez les informations
- La pensée (T) – sentiment (F), qui indique par quel moyen vous prenez des décisions
- Le jugement (J) – perception (P), c’est-à-dire la façon dont vous abordez le monde qui vous entoure.
Au total, 16 types de personnalités sont proposés.
Il existe par exemple l’INTP (introversion-intuition-pensée-perception), qui serait intellectuel, logique, précis, réservé, imaginatif, et qui aimerait résoudre des problèmes créatifs, ou encore l’ISFJ (intuition-sensation-sentiment-jugement), qui est chaleureux, gentil, responsable, pragmatique et qui aime par-dessus tout aider les autres, ou encore l’ESTP (extraversion-sensation-pensée-perception), qui est réaliste, orienté vers l’action, curieux, spontané et qui sait parfaitement négocier.
Introversion VS extraversion (ou chat VS chien, c’est comme vous voulez) dans Parks and Recreation
L’objectif du test, ce serait de mieux se comprendre, et de mieux comprendre les autres ; de pouvoir comprendre nos fonctionnements, nos souhaits, nos façons de voir les choses…
Aujourd’hui, le MBTI est possédé par une entreprise, la Consulting Psychologistes Press, Inc, et son accès n’est pas libre : pour passer le test dans sa version intégrale, il faut donc payer.
Le MBTI remis en question
Il y a quelques jours, BADABOUM, secousse dans l’univers MBTI : le site VOX publie un article interrogeant l’utilité du test et questionnant même sa validité. Pour l’auteur de l’article, Joseph Stromberg, bien que le MBTI soit massivement utilisé et vendu au travers du monde, il aurait à peu près autant de fiabilité en matière de personnalité qu’un test madmoiZelle…
Puisqu’on vous dit que c’est scientifique ! (Clique sur l’image pour faire le test)
- 1er problème : un test aux théories non prouvées
Le premier coup porte sur la validité « scientifique » du test : Katharine Cook Briggs et Isabel Briggs Myers, qui n’avaient aucune formation en psychologie, ont mis au point leur test à partir d’une théorie jungienne datant de 1921… et aujourd’hui inutilisée, et pour cause : les types psychologiques de Jung ont été établis avant que la psychologie ne devienne une science empirique.
À l’époque, pour Carl Jung lui-même, les types de personnalité correspondaient à des observations personnelles plus qu’à une classification stricte – il n’y a pas d’expériences, de données scientifiques qui permettent de valider ces types psychologiques.
- 2ème souci : un test binaire
Nos personnalités correspondent à des continuums : nous ne sommes jamais ni complètement introvertis, ni complètement extravertis… Pourtant, le MBTI se base sur cette dichotomie (certains items ne laissent aucune place à cette nuance) et considère que nous avons des « traits » de personnalité immuables.
Les sciences sociales actuelles s’accordent plutôt à parler « d’états » de personnalité que de « traits » : nous n’avons pas une seule manière de prendre des décisions, une seule façon de voir les choses… Selon les contextes, selon nos humeurs, selon les moments de nos vies, nous faisons appel à notre intuition, ou à notre ressenti… En fait, tout ça est fluctuant !
- 3ème point discutable : des résultats irréguliers et inexacts
VOX revient sur les propos d’Adam Grant, psychologue des organisations : pour celui-ci, les diverses analyses du MBTI montrent que les caractéristiques mesurées par le test n’ont quasiment aucun pouvoir prédictif… C’est-à-dire qu’ils ne permettront pas de « prédire » notre performance à tel ou tel boulot, notre épanouissement conjugal, notre bonheur au quotidien.
En fin de compte, les résultats proposés par le MBTI sont vagues et permettent à chacun-e d’entre de trouver quelque chose qui lui correspond (nous appellerons ça « l’effet Barnum »). L’auteur de l’article souligne qu’en plus, le test n’utilise jamais de mots à connotation négative pour nous décrire : il ne nous dit que des choses qui pourront nous flatter (personne ne sera égoïste, ni narcissique).
Les résultats du MBTI seraient donc inexacts… et ils seraient aussi irréguliers : la moitié des personnes qui le passent deux fois (même si ces deux fois sont peu espacées dans le temps) obtiennent des résultats complètement différents !
Joseph Stromberg souligne enfin que le MBTI n’est plus utilisé par les chercheurs-es, qui lui préfèrent des tests développés plus récemment, et validés scientifiquement, et que même les psychologues faisant partie de la CPP (l’entreprise qui possède le test) ne l’utilisent pas dans leurs recherches.
Pour lui, le MBTI serait pour nous un moyen de se distraire… et pour d’autres, un moyen de gagner de l’argent !
Carl Jung se marre en se rendant compte que ses théories foireuses sont toujours en vogue en 2014
En fin de compte, ce qu’on en retire, c’est que le MBTI, comme bien d’autres tests de personnalité, est à prendre avec des pincettes : aucun test ne nous définit. Ce qu’ils peuvent nous permettre de faire, en revanche, c’est de réfléchir à nous-mêmes, à notre rapport aux autres, à notre vision du monde, de prendre une photographie de nous à un certain instant de nos vies…
Et si le MBTI nous aide à piger deux-trois trucs sur nous et à améliorer certains aspects de nos vies, je dirai bien « whatever works » !
Pour aller plus loin :
- Le distributeur européen du MBTI
- L’article de VOX
- Le test de personnalité Myers-Briggs, utilisé dans le monde entier, ne rime à rien, sur Slate.fr
- Venez parler du MBTI sur le forum !
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