On verra au travers d’un dilemme issu de la théorie des jeux et qui est évoqué dans des domaines comme l’économie, la politique internationale, la psychologie, etc … qu’une simple pression sociale qui mettrait en avant les valeurs adéquates permettrait de sortir de ce dilemme, et par extension comment une pression sociale et une éducation adaptée permettrait de prévenir les relations conflictuelles et donc la nécessité d’une forme de répression trop importante au sein d’une société. Donc de favoriser les libertés en limitant les carcans coercitifs.
Le dilemme du prisonnier, énoncé en 1950 par Albert W. Tucker à Princeton, caractérise donc en théorie des jeux une situation où deux joueurs auraient intérêt à coopérer (choix rationnel), mais où, en l’absence de communication entre les deux joueurs, chacun choisira de trahir l’autre (choix irrationnel). Le dilemme du prisonnier est souvent évoqué dans des domaines comme l’économie, la biologie, la politique internationale, la psychologie, le traitement médiatique de la rumeur, et même l’émergence de règles morales dans des communautés.
Tucker suppose deux prisonniers (complices d’un crime) retenus dans des cellules séparées et qui ne peuvent communiquer ; l’autorité pénitentiaire offre à chacun des prisonniers les choix suivants :
– si un des deux prisonniers dénonce l’autre, il est remis en liberté alors que le second obtient la peine maximale (10 ans) ;
– si les deux se dénoncent entre eux, ils seront condamnés à une peine plus légère (5 ans) ;
– si les deux refusent de dénoncer, la peine sera minimale (6 mois), faute d’éléments au dossier.
Donc d’après Tucker le choix de trahir est privilégié (choix irrationnel) à celui de coopérer (choix rationnel). La raison est que si l’un coopère avec son complice et que l’autre trahit, le coopérateur est fortement pénalisé. Pourtant, si les deux joueurs trahissent, le résultat leur est moins favorable que si les deux avaient choisi de coopérer.
Déjà l’on voit que ce qui pousse à trahir est la peur que l’autre trahisse. En plus d’un choix irrationnel dans l’absolue qui consiste à ne pas choisi la meilleur solution, on peut penser que la personne qui a choisi de trahir son partenaire ne doit pas être très fière d’elle. Ce n’est donc bénéfique pour personne.
Enfin un autre problème qui pourrait en découler est la tentation de celui qui aurait choisi de ne pas trahir de se venger. Donc la création possible d’un conflit dans le futur.
Mais dans le cas présent cette peur est-elle justifiée ? Dans un sens oui car notre société nous a appris qu’il y avait de grandes chances que l’autre nous trahisse aussi. Notre société est même indulgente avec un raisonnement qui tendrait à comprendre celui qui trahi car nous aurions agi de la même façon. Mais au delà des valeurs morales liés à la trahison on voit aussi dans cet exemple que le fait de trahir engendre un comportement irrationnel qui ne favorise personne (prison pour celui qui ne trahit pas, mauvaise estime de soi pour celui qui trahit ou encore une peine supérieure si les deux trahissent) et risque même d’engendrer des problèmes dans le futur (conflit lié à une vengeance, peur d’une vengeance, animosité, etc).
Une des solutions à ce dilemme serait la peur d’une conséquence au gain plus néfaste que la trahison (perte de la vie par exemple) qui pousserait à ne pas trahir.
Mais qu’en serait-il dans une société où l’éducation et les valeurs seraient de ne pas trahir ? Il y a de fortes chances que la peur que l’autre trahisse soit moindre, et l’option rationnelle serait respectée (ici une coopération).
De même qu’en serait-il dans une société qui « bannirait » socialement une personne qui trahi, qui utiliserait la pression sociale pour aller dans ce sens (regard déplaisant sur celui qui trahit, mise hors jeux du réseau amicale et économique, …) ?
Là aussi il y a de grande chances de ne pas choisir de trahir à cause d’une pression sociale qui condamne l’acte au lieu de le minimiser, l’excuser, voir le valoriser. Choix d’autant plus renforcé que l’on pensera qu’il y a peu de chance que l’autre trahisse (chacun pensera « ce n’est pas dans notre culture, ce ne sont pas nos valeurs, aucune chance qu’il me trahisse ») ou encore à cause de la peur d’être rejeté du groupe social.
D’autant plus que de nombreuses expériences en psychologie sociale ont montré que la pression et les normes sociales étaient une manière puissante d’influencer l’individu dans ses choix et dans ses actes. Comme cette pression et ces normes existent de toute manière dans chaque société, pourquoi ne pas réfléchir à les orienter dans le but de pouvoir faire des choix rationnels et d’éviter les conflits ? Pourquoi ne pas s’en servir dans le but de rendre les choses plus faciles au sein du corps sociale ?
Avec une orientation de ce type il y aurait déjà moins besoin de forces de polices pour faire respecter la paix sociale et plus de liberté à l’intérieur de nos sociétés. Il suffirait d’une éducation adéquate, de « modèles » dans les médias et de valeurs solides qui iraient dans le bon sens. Nul besoin d’une révolution pour permettre d’apporter des améliorations.
On a vu au travers de l’exemple du dilemme du prisonnier que des orientations comme la loyauté, et donc le fait de ne pas trahir l’autre mais aussi soi même, permettraient d’éviter des conflits dans le futur mais aussi faciliterait la coopération dans des situations délicates, et ce même si cette solution ne pourrait fonctionner dans tous les cas où ce dilemme sert d’illustration. Car on parle bien ici de prendre la meilleur orientation, celle qui permettrait d’apporter le plus de positif et non celle qui irait dans un sens forcément négatif sur le long terme.
Deux autres orientations qui permettraient de favoriser la résolution des conflits sont le partage (qui facilite la résolution des conflits d’intérêts et les rapports gagnants/gagnants) et la tolérance (qui facilite la résolution des conflits idéologiques).
Est-ce que notre société actuelle favorise ce type d’orientations ? On pourra voir dans d’autres articles que la pression sociale de notre société tend plutôt à favoriser les relations conflictuelles et les logiques d’opposition et de division, ce qui nécessite bien évidemment le recours à des moyens de coercition pour gérer les problèmes que cela engendre et par extension à une restriction de nos libertés et une paix sociale fragile.