Entre inimitié familiale et scolaire, les enfants et ados à l’orientation sexuelle différente n’ont pas la vie facile. La détresse est souvent au bout du chemin.
Dans le Rhône. C’est ainsi qu’avait fini Bartholomé Tecia, jeune collégien de 15 ans torturé et noyé à Genève pour son homosexualité. C’était en 1556. L’histoire est rappelée par Michael Haüsermann, responsable santé à
Dialogai à Genève, dans les actes aujourd’hui publiés d’un colloque international qui s’est tenu l’an dernier à l’Institut Kurt Bösch de Sion.
Certes, on ne torture plus ni ne noie les jeunes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres). N’empêche, écrit Michael Haüsermann, «le sentiment d’inadéquation qui les habite, générateur d’anxiété, la peur de décevoir ou d’être rejeté, les injures et agressions à l’école, le silence absolu sur leurs sentiments et émotions véritables constituent un problème majeur».
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L'âge moyen du coming out se situe entre 17 et 18 ans.
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L’hostilité vécue notamment en milieu scolaire et familial plonge les enfants et ados à l’orientation sexuelle différente dans «un contexte socio-affectif difficile, un état de vulnérabilité et de stress qui affecte négativement l’estime de soi». Et provoque des troubles spécifiques, que résume Michael Haüsermann: «anxiété, dépression et comportement suicidaire».
61% des tentatives de suicide chez les moins de 20 ans
Une étude danoise citée par le Conseil de l’Europe a ainsi montré que les tentatives de suicide étaient deux fois plus élevées chez les gays et les lesbiennes que parmi la population hétérosexuelle. Et surtout que 61% de ces tentatives étaient le fait de personnes de moins de 20 ans, et 6% d’enfants de moins de 12 ans. Les enquêtes menées par Dialogai entre 2002 et 2011 ont fait apparaître que c’est en moyenne à l’âge de 12 ans qu’un enfant «prend conscience pour la première fois de son attirance pour une personne du même sexe».
Le coming out: une source de stress
Et que, l’âge de l’annonce de son homosexualité par un jeune «à au moins une personne de son entourage» avait baissé d’environ cinq ans pour se situer entre 17 et 18 ans. Cette annonce se révèle une source de stress supplémentaire: en faisant son coming out, «un gay ou une lesbienne doit simultanément accepter d’abandonner le statut social supérieur accordé à son ancienne identité et adopter une identité dévalorisée.»
«La faute à une mentalité encore trop conservatrice»
Philip D. Jaffé, docteur en psychologie, directeur de l’Institut universitaire Kurt Bösch.
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Philip D. Jaffé, docteur en psychologie, directeur de l’Institut universitaire Kurt Bösch à Sion.
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L’arsenal juridique en Suisse est-il suffisant pour protéger les jeunes LGBT?
Le problème est plutôt dans la mentalité de nos concitoyens qui reste conservatrice et refuse souvent de reconnaître l’existence de ces jeunes. Or, ils existent, ce sont nos filles, nos fils, nos frères et nos sœurs. Pas besoin d’avoir une âme chrétienne pour comprendre que cette situation n’est pas un choix, qu’il faut accueillir pleinement ces jeunes dans la société. Du moment qu’il y a de l’homophobie, il faut un dispositif légal et des sanctions. Etre homophobe est tout aussi grave que d’être raciste.
Quel rôle devrait jouer l’école à cet égard?
Elle devrait enseigner le vivre-ensemble, elle devrait être accueillante pour tous les enfants. Faire en sorte que ceux qui à l’orée de l’adolescence ont des hésitations, s’interrogent, se révèlent différents, ne se sentent pas pour autant exclus, détestés, rejetés. Les enfants passent le plus clair de leur temps en milieu scolaire. Si les jeunes gays et lesbiennes ne sont pas tolérés à l’école, cela signifie qu’ils ne sont pas tolérés dans la société. Or ils y subissent énormément de discriminations. Certes les jeunes gens aujourd’hui, pris individuellement, sont nettement moins homophobes que leurs parents ou leurs grands-parents. Mais en groupe les enfants sont cruels.
La situation ne semble guère plus reluisante au sein des familles...
Les jeunes LGBT peuvent avoir peur de se révéler. Ils sont conscients que leurs parents ne sont pas toujours prêts à accueillir la nouvelle à bras ouverts. Ou ils ne veulent pas leur faire de peine et choisissent de vivre leur différence en cachette.
»Nombre de parents néanmoins acceptent la situation mais, constatant l’homophobie ambiante, s’inquiètent des difficultés que pourra connaître leur enfant sur le plan scolaire, professionnel, social.
»Une minorité de parents prennent ça comme si le ciel s’était abattu sur leurs têtes, ils sont dans le déni, la colère ou la culpabilité. Ce n’est évidemment pas de leur faute si leurs enfants ont une orientation sexuelle différente, il ne faut pas non plus qu’ils se blâment eux-mêmes.
Comment améliorer la situation de ces jeunes?
Tous les milieux devraient être concernés – politiques, familiaux, scolaires. Il faut bien constater que la société n’a pas encore pris la mesure du problème, qu’il existe des enfants qui sont différents, qui ont des droits et qu’à force de les nier, on les pousse à des comportements à risque. Cela génère beaucoup de détresse. On a trop tendance à vouloir régler les choses entre adultes alors qu’il faudrait être plus à l’écoute des jeunes. Il faut être conscient que nous avons beaucoup d’enfants minoritaires – on pourrait aussi parler des enfants handicapés – et qu’au lieu de fuir la question on devrait avoir davantage confiance dans notre capacité sociale à gérer toutes ces différences.
© Migros Magazine - Laurent Nicolet
Photos: Keystone, Istockphoto
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