«Pendant près de 100 ans, on pensait que les personnes étaient pédophiles parce qu'elles avaient un problème au cerveau. Il y a eu beaucoup d'études en neuro-imagerie qui ont permis de scanner de nombreux cerveaux. Au final, il n'y a pas eu deux résultats pareils! Si on scanne le cerveau, on ne sait pas si une personne est pédophile. Ce n'est pas comme avoir une carie. Ça a pris du temps et on a réalisé que ce n'était pas si simple», explique Christian Joyal, professeur au département de psychologie de l'UQTR.
Ce test permettrait de distinguer les pédophiles des agresseurs d'enfants, deux concepts bien différents aux yeux de M. Joyal. Car si le premier planifierait son acte, le second agresserait un enfant sous une impulsion X, sans pour autant être attiré par les enfants normalement.
Le son les excite
Conjointement avec Patrice Renaud, de l'Université du Québec en Outaouais, M. Joyal a développé une nouvelle approche via l'imagerie cérébrale, grâce à un appareil qui se trouve dans les laboratoires de l'université trifluvienne.
Les chercheurs se servent de stimuli visuels pour faire réagir certaines zones du cerveau des personnes potentiellement pédophiles. En général, l'image consiste en une représentation virtuelle et basique d'un enfant.
«Pour une personne qui n'a pas d'attirance sexuelle envers les enfants, l'image est poche, mais le résultat est surprenant quand on est en présence d'une personne ayant une déviance sexuelle. Ça ne leur prend pas grand chose pour que ce soit excitant. Au Canada, on fait aussi écouter des enregistrements sonores d'enfants qui jouent. On peut avoir des résultats étonnants seulement avec ces sons», indique M. Joyal.
L'oeil révélateur
D'autres environnements virtuels sont aussi montrés aux pédophiles, comme une plage ou un parc par exemple. Les chercheurs mesurent alors le battement du cœur, la dilatation des pupilles, la largeur du pénis (s'il vient à grossir) ainsi que le traçage oculaire de la personne évaluée.
Le traçage oculaire n'est pas tant le fait de fixer un élément de l'environnement virtuel, mais plutôt le nombre de fois que l'oeil y revient.
«On se rend compte que le pédophile essaie souvent de ne pas regarder ce qui l'attire dans l'image, mais son œil y revient fréquemment. En mesurant les variations de la grosseur du pénis et avec le traçage oculaire, on croit pouvoir détecter dans environ 85% des cas si une personne est pédophile», affirme le professeur de l'UQTR.
Des électrodes sont aussi mises sur le cuir chevelu de la personne évaluée afin de mesurer l'électricité produite par le cerveau.
Selon le stimulus, le cerveau va générer plus ou moins d'électricité dans certaines zones. Le cerveau des gens sexuellement intéressés à quelque chose réagit d'une façon particulière.
«Le cerveau ne ment pas. C'est comme un détecteur de mensonges. J'espère qu'un jour, cette méthode pourra s'incorporer au traitement en thérapie et j'espère ultimement que ce test sera un jour admissible en cours», confie M. Joyal.
Problème moral
Christian Joyal et son équipe veulent développer des environnements virtuels qui réagiraient en fonction des ondes cérébrales du pédophile.
Le même principe est utilisé dans des simulateurs de conduite: le logiciel fait sonner un téléphone pendant qu'on est au volant. Si la personne répond au téléphone, le logiciel fait traverser quelqu'un devant la voiture, ce qui risque fortement d'entraîner un accident virtuel.
«On veut créer quelque chose de semblable avec les déviants sexuels, , souligne M. Joyal. On voudrait les "désexciter" par neuro-feedback, le feedback étant donné par le logiciel. Mais ça ouvre la porte à un problème éthique: si on peut désexciter quelqu'un, ne pourrait-on pas aussi rendre quelqu'un sexuellement attiré par les enfants?»