La psychologie sor du Fé Noir

Ce courrier est aussi un clin d’œil à Paul Langevin et Henri Wallon qui ambitionnèrent, dans les années 1945-50, d’offrir aux élèves du primaire les services de la psychologie qui s’est vue être détournée dans ses finalités, on le voit, notamment, avec les tests du QI. La psychologie dite « scolaire » est devenue un instrument au service de « l’institution », comme dirait notre regretté ami René Lourau.

La sortie du fé noir, ne se sera pas fait en un jour. En France, les travaux et l’ouvrage « événement » de Jacques Mehler et Emmanuel Dupoux, « Naître humain » (1990) constitue un des premiers jalons qui annoncent le changement (de paradigme). Ces deux auteurs affirment que dès la naissance le bébé aurait de manière innée les « outils » qui feront de lui un être capable de penser, de parler, de vivre en société.

On peut aussi citer Roger Lecuyer, qui avec son livre « Bébés astronomes, bébés psychologues » (1990), qui s’attaque au grand Jean Piaget, en affirmant, preuves irréfutables à l’appui, que : « l’intelligence est d’abord perceptive et sociale avant d’être sensori-motrice », et sans passer nécessairement par des stades. Le réel obstacle « piagétien » est, semble-t-il, dépassé avec Olivier Houdé qui défend l’idée selon laquelle, parmi les compétences innée du bébé, il y aurait la capacité d’inhibition. On regrettera que ce grand chercheur semble ignorer l’aspect délétère de l’inhibition lorsque celle-ci devient une habitude au point de contrarier la logique du cerveau, et ensuite du corps, qui est celle d’agir sur l’environnement (contrairement aux plantes). Logique que le professeur Henri Laborit devait inlassablement mettre en évidence avec ses rats de laboratoire.

On retiendra, qu’Olivier Houdé pense que la psychologie est devenue « une science dure », avec les moyens modernes d’exploration du cerveau in vivo. Par exemple, la subjectivité, c’est-à-dire ce que vous ressentez, ce que vous percevez, vos joies, vos peines... peuvent faire objets de science, c’est-à-dire être rationalisés.

On peut affirmer que la définitive sortie de la psychologie du fé noir, sera, non seulement liée à la publication récente de l’ouvrage : « Le code de la conscience » de Stanislas Dehaene (2014), mais aussi et surtout si il s’ensuit une diffusion populaire de l’ouvrage. L’auteur, avec son jeune âge, professeur au Collège de France, « l’Olympe » académique des chercheurs, propose un « autre code » au code génétique, le code de la conscience, en adhérant, finalement, à l’hypothèse du primat de la conscience chez le bébé... dès la naissance. De là à considérer que l’intelligence peut s’épanouir dans un environnement accueillant, ou au contraire, s’inhiber épigénétiquement, c’est-à-dire s’étioler durablement pendant la période critique, de la naissance de l’enfant jusqu’à ses deux ans ? Il n’y a qu’un pas. Va-t-il être franchi ? Nos chercheurs s’engageront-ils sur le versant politique ? Ce pourrait être dans un premier temps, d’imaginer une diffusion de cette psychologie, cette science devenue « dure », aux seins des collèges et des lycées. Avant d’envisager le recrutement massif d’enseignants psychologues, on pourrait imaginer confier de tels enseignements aux professeurs de SVT avec des vacations d’intervenants extérieurs psychologues, pour assister les premiers.

Et comme des découvertes en entraînent d’autres, en lycée la psychologie des profondeurs, celle du psychisme, sera-t-elle toujours confiée aux seuls professeurs de philosophie ? On peut s’attendre à des remaniements, déconstructions et engagements biopolitiques contribuant à dépasser le préjugé (l’obstacle!, encore un !) antibiologique de la philosophie. On peut, peut-être, compter sur Catherine Malabou, bien qu’après avoir été maître de conférences à Paris X Nanterre, elle semble s’épanouir à Kingston Université (Londres), chez nos amis anglais.

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