Les travaux des spécialistes se poursuivent au sujet de la remise ne compte du système d' évaluation par les notes et de ce qu'un professeur d'histoire invité lors d'un récent grand journal de France 3 a appelé la « dictature » de la moyenne. Il semble toutefois acquis avec la mission de Boris Cyrulnik qu'elles ne peuvent trouver une utilité supérieure à la toxicité qu'à partir du lycée.
Certain collèges ont déjà expérimenté l'évaluation en fonction de l'effort de l'élève et cela semble tellement plus respectueux de son rythme et de sa singularité mais aussi de la relation parent-enfants possiblement dégradée par le bulletin de notes. Il est constaté par les enseignants une ambiance plus sereine et un regain de motivation chez les plus faibles.
--La notation chiffrée : les constats de la Psy et de l'ex-Prof
Les cabinets de psychologie sont le réceptacle des plaintes, crises d'angoisse voir phobies scolaires qui se focalisent souvent sur le peur d'avoir une mauvaise note. Et les plus affectés quand elles adviennent ne sont pas les élèves les plus faibles, bien au contraire.
Il y a fortlongtemps que les médecins et les psychologues constatent l'importance du stress scolaire et des effets contre-productif du système répressif de la notation à la française. Si la suppression des notes pouvait un temps soit peu le diminuer, on pourrait mieux se pencher sur l'amélioration des techniques d'apprentissage en s'inspirant des succès au delà de nos frontières. Même les sportifs savent désormais que la pression est nocive et lors des plus importantes compétions ils misent sur le plaisir à prendre, sachant que cela ne fera qu'améliorer le résultats.
Il n'y a pas mieux pour juger de l'effet de la notation – qui n'a pas changée -que de se mettre dans la peau d'un prof qui n'a plus été tenu de noter durant une année au milieu de deux années avec notation, et d'observer les changements sur le comportement des élèves. Quelle chance d'avoir pu faire cette expérience durant trois années d'enseignement auprès des 6 èmes de collège pour l'enseignement du français, il y a plus de 25 ans. ( La dite expérience ayant conforté le choix de carrière initial à savoir le métier de psychologue.)
Le constat a été simple et sans appel : l'année où les notes ont été supprimées, les élèves était très détendus, plus de tricherie, plus de stress concurrentiel ni de peur de la sanction dévalorisante, il y avait du plaisir à faire. La réussite de l'élève s'offrait à lui sans la nécessité d'être tarifée. Celui qui avait su faire cette fois ci, pouvait alors aider les autres, la gratification n'étant plus dans la compétition mais dans la solidarité. Et cette année là, nous avons pu installer un atelier de théâtre improvisé et soit dit en passant, le thème choisi de manière privilégiée était les procès d'assises. Idéal pour l'élaboration orale des arguments mais aussi pour la structuration profonde de la pensée et de la construction de l'être social et moral. Programme ambitieux si l'en était, mais qui a été supprimé avec le retour des notes l'année suivante, avec l'impossibilité à valider cette activité en référence une cotation chiffrée. Notons qu'aujourd'hui l'activité théâtrale existe à part entière dans la majorité des collèges.
--L'injustice physiologique, sensorielle, familiale, sociale etc.
Lors des études de psychologie l'on apprend que le calcul du QI -en tant que repère de l'efficience d'un certain nombre de compétences-exige le changement d'échelle de référence tous les trois mois. Il s'avère qu'un enfant de 6 ans 10 mois n'a pas les mêmes acquis cognitifs qu'un enfant de 6 ans 1 mois . Or par exemple, en classe de CP on notera de la même façon un enfant né en janvier qu'un enfant né en Septembre de la même année. Et bien sûr, à cette inégalité physiologique s'ajouteront les éventuelles difficultés de tous ordres relatives à la gestion du stress, à l'hypertonicité psycho-motrice, à l'immaturité instrumentale, aux inaptitudes sensorielles, aux carences familiales etc. Ces difficultés parfois provisoires creusent les différences et stigmatisent très tôt les enfants concernés par l'identification de leur valeur à un mauvais chiffre. Les annotations éventuellement encourageantes des enseignants n'y changent pas grand chose, ce sont les notes qui sont comparées entre enfants et soumises à la supervision parentale! Cette sanction par la note qui hiérarchise la valeur propre de chaque élève est souvent une telle blessure narcissique pour les parents qu'ils adjoignent une deuxième sanction, c'est la double peine, aucune issue ! Les conséquences en sont parfois catastrophiques.
En conclusion, cela semble donc tout aussi aberrant qu'injuste que de noter selon une grille
d'évaluation chiffrée relative à une tache, les enfants des écoles primaires et du collège.
Il ne faut pas s'étonner de voir la France classée 13 ème rang des pays européens en terme de « bien être » à l'école. Et surtout, la France fait partie des pays qui compte le plus d'adolescents de 15 à 19 ans qui ne sont plus à l'école ni en formation ni sur le marché du travail .1 Ils ont fui le système scolaire... qui n'a pas su les garder.
Et comme c'est à l'école primaire et au collège que se construit une partie des assises de la personnalité, j'oserais inciter à la réflexion sur le fait qu'il y a peut-être un lien entre le stress de l'écolier et celui de l'adulte qu'il est devenu. Car c'est aussi en France que les adultes consomment le plus d'anxiolytiques et d'antidépresseurs et nous sommes parmi les pays les plus pessimistes du monde.
Tout cela à cause des notes me direz-vous, c'est un peu court, non bien sûr, mais si le stress qu'elles engendrent pouvait être supprimé grâce à l'instauration d' un autre système d'évaluation, on ne pourrait que s'en féliciter.