Dr Luis Vera. DR
Le FIGARO. - Comment expliquer la phobie de l'obscurité?
Luis VERA. - Il y a de nombreuses raisons d'avoir peur du noir. J'ai eu en consultation une femme qui a été agressée sexuellement la nuit et qui revivait ce souvenir par flashs dès que le soir tombait par exemple. En règle générale, le noir renvoie à soi et à ses sensations internes. Aucun support n'est là pour nous distraire de nous-même. Certaines personnes font un blocage phobique à l'idée de se retrouver dans cette situation. Ce retour vers soi, dans l'obscurité, peut ramener à la surface des choses inconscientes que l'on ne veut pas voir.
Que provoque-t-elle?
Les personnes mal à l'aise dans la pénombre sont nombreuses. On parle de phobie quand on est vraiment handicapé par le manque de lumière, que cela vous paralyse complètement. S'il n'y a pas de profil type de personnes qui craignent l'obscurité, tous gèrent leur phobie de la même manière, par l'évitement. C'est d'autant plus facile aujourd'hui avec les téléphones portables qui peuvent procurer de la lumière à tout instant. La plupart des gens gèrent eux-mêmes cette peur. Mais ils le font mal, car à force de la contourner, on la renforce et on perd ses réflexes adaptatifs. Il devient impossible de se déplacer dans le noir quand il y a une panne de courant par exemple.
La peur du noir est-elle semblable chez les enfants et les adultes?
Chez les enfants, c'est un excès d'imagination qui la provoque. Chez les adultes, le problème vient plutôt d'un manque d'imaginaire. Ils ont du mal à meubler leur vie psychique. Cela les empêche de se penser eux-mêmes, de faire un bilan serein de ce qui leur arrive, le soir, dans leur lit.
Est-elle facile à combattre?
Cette peur n'est pas du tout insurmontable. Une dizaine de séances de thérapie peuvent suffire à surmonter cette phobie s'il n'y a pas de problèmes psychologiques associés. La désensibilisation systématique permet d'apprendre à se relaxer, allongé dans la pénombre. On vous demande de décrire vos sensations corporelles, de ressentir la pesanteur et la légèreté, afin de décontracter ses muscles. Puis il faut imaginer un programme agréable, de week-end par exemple, anticiper un projet en puisant dans la réalité ou encore mobiliser des souvenirs heureux de vacances. On associe alors l'imagination et la créativité avec des choses vécues ou à vivre pour éviter de ressentir le poids du noir et de s'y perdre. Le tout est d'apprendre à se laisser aller à une activité psychique constructive et agréable.
Il faut donc accepter de «se voir» dans le noir?
Oui. Il existe un autre moyen de faire cette projection, ce sont les lunettes 3D qui permettent une exposition in vivo. On est au sein d'une pièce éclairée, plongé virtuellement dans une obscurité progressive et on peut décrire de manière fine ses sensations. On peut aussi lutter contre sa phobie en regardant des passages de films mettant en scène des personnes qui doivent évoluer dans une très faible luminosité. Les personnes phobiques évitent en général d'être confrontées à ce genre d'images. Pourtant, cela leur permet de se rendre compte qu'elles aussi peuvent se débrouiller dans ces situations.