La course du corridor

Que diriez-vous si vous participiez à une course où les couloirs étaient remplacés par une série de corridors élevés et opaques?

Vous ne pourriez ni voir ni entendre vos concurrents, et vous n’auriez aucune rétroaction. Que feriez-vous si vous vous sentiez au bord de l’épuisement alors même que vous frôlez la ligne d’arrivée?

Évidemment, lorsqu’on connaît sa position par rapport aux autres, tout est différent. Si on est nettement en avance, on se laisse porter. On fournit un effort, mais sans trop se pousser, pour franchir doucement la ligne d’arrivée Si, au contraire, on sait qu’on est au coude-à-coude avec le meneur, on trouve la motivation nécessaire pour foncer encore quelques minutes, au risque de s’effondrer ou de se blesser. En revanche, lorsqu’on manque de rétroaction, il est très difficile de savoir comment agir.

Certaines personnes sont motivées par le désir de tout régler. Quoi qu’elles fassent, elles se demandent : «Puis-je faire plus?» La seule réponse à cette question est oui. On peut toujours faire plus. Notre seule limite, c’est notre capacité physique. C’est pourquoi les personnes de ce genre sont sujettes à l’épuisement professionnel. Elles repoussent leurs limites jusqu’à ce qu’elles s’effondrent, physiquement ou psychologiquement.

Leur façon de voir les choses est souvent déformée, ce qui les fait agir comme un coureur qui donnerait tout ce qu’il a pour atteindre une ligne d’arrivée inatteignable.

Les gens qui s’efforcent de réussir ont souvent ce type de personnalité, mais aussi ceux qui manquent de confiance en eux. Si on les interroge à ce sujet, on constate qu’ils ne font qu’essayer de se rattraper par rapport à ce qu’ils croient la norme.

À l’autre extrémité du spectre, on trouve les gens qui ont toujours l’impression d’en faire beaucoup, sans se rendre compte qu’en réalité ils en font très peu. Leurs normes sont anormalement basses. On observe parfois cette tendance chez des personnes qui ne se soucient guère de réussir, mais elle se remarque aussi chez d’autres qui ont trop confiance en elles. Leur personnalité déforme les événements jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’elles sont surmenées. Pourtant, elles croyaient avoir beaucoup d’avance et pouvoir se laisser porter.

Dans la course de la vie, une profusion de signes nous indiquent où nous nous situons. Seulement, certains d’entre nous sont insensibles à toute rétroaction ou portent des lunettes qui déforment tout ce qu’ils voient. Il serait donc utile, de temps à autre, de prendre du recul pour observer les choses de l’extérieur de nos étroits corridors.

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