Vingt-sept ans après sa première critique, publiée dans Positif, Philippe Rouyer n'a pas perdu un gramme de passion. Quand il s'agit de cinéma, celui qui est né dans la clinique du Dr Ferrand, à Saint-Cybard, est intarissable. Mardi prochain, il sera à la salle Nemo, à la Cité, pour présenter deux films, Blue Velvet de David Lynch et Babycall. Une soirée qui conclura une semaine en l'honneur de la plus prestigieuse revue de cinéma, Positif, qui fête ses 60 ans à Angoulême.
Comment est née votre vocation de critique ?
Philippe Rouyer. Nous étions allés voir 2001 L'Odyssée de l'Espace avec mes parents au cinéma Le Valois. J'avais adoré. Mes parents ont trouvé ça nul. Je me suis dit qu'on avait le droit de ne pas aimer, mais qu'on ne pouvait pas dire que c'était nul. Dès 12 ans et demi, j'ai décidé d'être critique, de faire un métier pour argumenter.
Entre cette soirée et votre première chronique dans «Positif», que s'est-il passé ?
J'allais beaucoup au cinéma. Heureusement qu'à l'époque, il y avait le CAC à Saint-Martial. De 1981 à 1982, j'ai même animé une émission de cinéma sur Radio 102. Après mon bac, mes parents m'ont laissé le choix: soit ils me payaient le permis, soit un magnétoscope. Je n'ai toujours pas le permis. Je suis monté faire un doctorat en cinéma à la Sorbonne. Dès mon arrivée à Paris, j'ai contacté Positif et j'ai publié ma première critique en 1985.
Pourquoi «Positif» ?
Comme je m'intéressais à Kubrick, j'ai lu le livre que lui a consacré à l'époque Michel Ciment [NDLR: le directeur de la rédaction de Positif]. C'est comme ça que j'ai découvert la revue. Et elle m'a plu.
Qu'a-t-elle de plus que les autres ?
D'abord, elle appartient à ses auteurs. On travaille bénévolement. Ensuite, c'est une des premières revues à avoir défendu le cinéma de genre. Elle apporte une multiplicité de regards puisque quatre générations de critiques écrivent avec quatre visions différentes du cinéma. C'était aussi une des rares publications à s'intéresser à autre chose que le metteur en scène et les acteurs. Aujourd'hui, c'est un véritable fonds documentaire.
Mardi, vous présentez la soirée fantastique. D'où vous vient ce goût du gore ?
A Angoulême, en juin, il y avait un grand festival de films fantastiques. C'était génial ! Et les années 80 sont l'apogée de ce cinéma-là. Et puis il y a eu Shining. Alors, pour mon doctorat, j'ai voulu faire une thèse sur le gore. Je trouvais amusant de faire rentrer du sang, des tripes et des filles en slip au milieu des vénérables murs de la Sorbonne. Je voulais démontrer que derrière le gore, il y avait autre chose que de l'hémoglobine. D'ailleurs, le gore a vite contaminé le cinéma traditionnel. Il n'y a qu'à voir la fin de Taxi Driver.
Quel regard portez-vous sur Angoulême, ville de cinéma ?
J'en suis ravi. Et je me dis que si aujourd'hui, je grandissais à Angoulême, il serait encore plus simple pour moi d'assouvir ma passion. Certes, je n'ai pas encore pu venir au Festival du film francophone, mais j'y viendrai certainement bientôt.
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