Stanley Milgram a disparu derrière son œuvre. A l’exception des étudiants en psychologie, peu connaissent son nom. Mais il fut, en 1961, l’instigateur d’une expérience de psychologie révolutionnaire – encore aujourd’hui sujette à controverse – et qui reste dans la mémoire de beaucoup de ceux et celles qui auront oublié l’homme. L’année précédente, on avait arrêté Adolf Eichman, caché en Argentine depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En 1961, les images de son procès, largement diffusé dans le monde à la télévision, hantaient les esprits. A Jérusalem, où il se déroulait, il inspirait à Hannah Arendt le concept philosophique révolutionnaire de « banalité du mal ».
Pendant ce temps, à l’université de Yale, le docteur en psychologie Stanley Milgram examinait à sa manière la question de l’obéissance à l’autorité – à laquelle la Shoah avait donné des résonances abyssales. Des mois durant, il observa des volontaires administrer – du moins le croyaient-ils – des décharges électriques très puissantes à un inconnu hurlant de l’autre côté du mur, lorsqu’ils en avaient reçu l’ordre. Les statistiques effarantes qu’il en obtint, et les conclusions qu’il...