Des chercheurs de l'université de Calgary au Canada ont mis au point un test permettant de cerner, à partir d'énoncés a priori banals, les traits saillants de notre personnalité. En une quinzaine de minutes, il est possible de savoir si nous possédons ou non une disposition au machiavélisme. Et ce, en évaluant son approbation par rapport à des affirmations du type "Ça m'ennuierai d'aller visiter une galerie d'art" ou "Je suis plutôt satisfait de moi-même". Il s'agit alors de dire son consentement ou non avec l'énoncé sur une échelle qui va de "fortement en désaccord" à "fortement d'accord".
Selon Pascal Neveu, directeur de l'Institut de Psychanalyse Active et secrétaire général du Conseil Supérieur De la Psychanalyse Active, "Ce test place n’importe quel individu face à une situation de comportements tant du registre des performances que de la connaissance de soi. Or, l’échantillonnage des réponses face à des questions extrêmement évasives, laisse la possibilité d’une interprétation qui ne sera jamais objective mais liée à un ordinateur ou un 'penseur' qui projettera son interprétation.Les Sectes comme l’Eglise de Scientologie ou les témoins de Jéhovah, que je combats structurellement, via la MIVILUDES, utilisent ce genre de tests afin de vous dire ce que vous recherchez savoir-être. Avant de vous embrigader".
Parmi les traits de caractère que le test va dégager, vous pourrez savoir si vous êtes ou non machiavélique, si vous avez une tendance à la manipulation ou à l'honnêteté. L'originalité de l'inventaire de personnalité Hexaco (Hexaco personality inventory) tient du fait qu'il permet de distinguer une nouvelle catégorie psychologique en plus des 5 qui intéressent habituellement les scientifiques (caractère extraverti, amabilité, caractère consciencieux, émotivité, ouverture d'esprit), à savoir "l'honnêteté et l'humilité" ou facteur H.
"Nous nous opposons depuis plus d’un an au DSM 5, qui est 'la bible' en terme de nosographie psychopathologique. Pour quelle raison ? Parce que cela signifie, outre les intérêts pharmacologiques, utiliser la grille binaire qui nous est imposée par l’OMS, afin de décliner, au fil d’une grille de lecture à quelle catégorie de pathologie appartient notre patient. Au sein du DSM 4, il suffisait de 3-4 critères afin de ranger dans telle ou telle catégorie un présupposé patient. Je peux vous présenter n’importe quel pervers, intelligent comme il se doit, capable de ne jamais présenter le moindre facteur de personnalité le 'trahissant'" estime Pascal Neveu.
"Dans leur récent livre 'The H Factor of Personality' ayant comme sous-titre 'Pourquoi certaines personnes sont manipulatrices, pensent que tout leur est dû, sont matérialistes et exploiteuses - et pourquoi cela concerne tout le monde', les psychologues Michael Ashton et Kibeom Lee présentent le nouveau modèle de la personnalité qu'ils ont proposé en 2008 et qui a été largement considéré comme un avancement dans le domaine de la psychologie de la personnalité", rappelle Psychomédia.
"En tant que cliniciens, comme tant d’autres, nous sommes consternés par un champ commercial tant des tests psychologiques, que de ces facteurs limitatifs de notre personnalité.Nous avons tous en mémoire le fameux test qui aurait permis de déceler chez un enfant de 4 ans un futur délinquant. Toute la profession s’y est opposée.Au sein du manuel de cours psychiatrique des infirmiers vous avez les mêmes critères qui ne permettent en aucun cas de définir une personne en souffrance psychologique, débordante, perverse.Alors qu’en consultations nous n’observons aucune différence en termes de psychogénèse, que ce que la société et certains courants de pensées tentent décrire à des fins commerciales" comment Pascal Neveu à propos du "Facteur H".
Les scientifiques qui ont mené cette étude estiment que le facteur H doit être reconnu comme une sixième dimension primordiale de la personnalité. Cela permettrait de cerner la part éthique des profils. Ainsi, tricher au jeu, par exemple, peut signaler une disposition plus importante pour un certain nombre de comportements immoraux concernant le rapport au pouvoir, au sexe et la capacité à obéir à la loi.
Pascal Neveu propose de revenir un instant sur le principe du Machiavélisme : "'La fin justifie les moyens !'. Cet adage autorise tout. Et c’est d’ailleurs un sujet de réflexion actuel politique, tel que Machiavel l’écrit dans Le Prince. Cette question est complexe. Elle invite le 'machiavélique' à manipuler, tromper, trahir son environnement existentiel… mais aussi à développer une façon de survivre. Quand vous lisez l’œuvre de Machiavel vous êtes tant à la fois placé dans un monde d’une autre époque, mais vous découvrez que nombre d’hommes vivent et défendent structurellement une telle existence. Cette question est pour moi davantage du registre de l’incarnation que du narcissisme. Un vide existentiel qui contraint à des comportements qui flirtent avec l’immoralité et l’amoralité".
Pour Taya Cohen, professeur à la Carnegie Mellon University, il est important de mesurer l'honnêteté-humilité, le machiavélisme, et d'autres traits psychologiques car cela nous permet de prévoir qui est susceptible de se comporter de manière éthique. "Nous devrions être conscients des dommages que les employés avec un caractère peu enclin à la moralité peuvent causer, des efforts devraient être faits pour éviter que ces profils se retrouvent à des postes de responsabilité", estime-t-elle.
Mais Selon Pascal Neveu, "le problème est que leur entourage n’en a bien évidemment pas conscience ou de manière tardive, dommageable. Le machiavélique vit une crise existentielle, de survie, face à son monde. Tout cela est difficile à décrire pour tout profane de notre activité".
"Nous sommes facilement bourreaux, nous devons bien évidemment condamner, mais dans un premier temps, tentons de comprendre nos propres constructions. Une 'Personnalité machiavélique' n’a au fond d’elle pas d’autre choix existentiel que de créer sa vie sur des fondements qui échappent à la majorité. Elle ne peut se penser que dans un rôle (le terme dit tout) tant de pouvoir, que de manipulation et de mensonge. Elle évite ainsi ce que nous nommons la décompensation, et ce vide, ce gouffre qui n’est que la porte de folie. Nombre de 'machiavéliques' nous ont amené à des dérives, mais d’autres insoupçonnés ont construit ce monde au sein duquel nous vivons…" poursuit-il.
"Ces dernières (les personnes avec un taux honnêteté-humilité très bas) ont tendance à causer beaucoup de problèmes aux autres et à la société mais elles ne sont pas si faciles à repérer qu'on pourrait le croire. Dans plusieurs cas, il faut les connaître parfaitement avant d'avoir une idée claire de leur niveau de facteur H, disent les auteurs. Et bien que certaines personnes ayant un faible H finissent comme criminels, la plupart n'en sont pas. Certaines se retrouvent même dans des positions de pouvoir et de confiance", relativise Psychomédia.