PSYCHOLOGIE - Je me tiens debout au beau milieu de la foule devant la scène miteuse d’un petit club. Mes deux amis, tous deux extravertis, m’encadrent et se balancent, le sourire aux lèvres, en rythme avec les fredonnements du chanteur indé. Je me suis bien amusée, mais, là, je rêve de rentrer chez moi pour retrouver mon lit. La musique forte, la foule compacte d’étrangers et les interminables discussions tout au long de la nuit m’ont épuisé. La soirée a été trop longue et trop intense, pour une introvertie comme moi.
Je préférerais savourer la solitude paisible de mon appartement. Rien que moi, sans le moindre bruit, peut-être un bon livre ou internet pour m’aider à me recentrer et recharger les batteries après une telle dose de contacts. Mes amis extravertis, eux, pourraient sans doute rester et papoter encore longtemps après le rappel. Au moment de partir, ils se sentiront rechargés à bloc et n’auront pas besoin de période de récupération. Alors, pourquoi ma réaction est-elle à ce point différente de la leur dans une situation similaire? La réponse réside dans un certain nombre de différences-clés liées au fonctionnement du cerveau des introvertis.
La dopamine
L’une des différences majeures entre le cerveau des introvertis et celui des extravertis est la façon dont nous réagissons au neurotransmetteur qu’est la dopamine. Ce composé chimique nous pousse à chercher des récompenses extérieures, comme un salaire, une promotion, un-e partenaire ou un projet professionnel très convoité. Avec la dopamine, introvertis et extravertis se montrent plus bavards, plus attentifs à ce qui les entoure et prêts à prendre des risques et à explorer leur environnement.
La quantité de dopamine secrétée est la même chez un introverti et un extraverti. Tous deux en produisent la même quantité mais les circuits de récompense activés par la dopamine ne réagissent pas de la même manière. Selon Scott Barry Kaufman, directeur de l’Imagination Institute, l’activité chimique serait plus importante dans le cerveau d’un extraverti, comme il l’explique dans cette vidéo (en anglais non sous-titrée):
Dr. Scott Barry Kaufman on Dopamine and Introversion from Quiet on Vimeo.
À l’idée de récupérer le numéro de téléphone d’une personne qui nous plaît ou d’obtenir une promotion au travail, par exemple, les extravertis sont bien plus stimulés que les introvertis. Une poussée d’émotions positives les fait vibrer, alors que les introvertis se sentent plutôt débordés par leurs émotions.
Pour mes amis, le bruit et la foule des spectateurs font simplement partie du plaisir. En réalité, l’intensité de cette stimulation leur sert de signal: ils ont atteint leur objectif (la récompense étant les contacts humains et la fête toute la nuit). Pour moi, plus la soirée tire en longueur, plus le vacarme devient source de gêne, de fatigue, voire de souffrance, à mesure que grandit la saturation sensorielle.
L’acétylcholine, clé de la différence des introvertis
Dans l'ouvrage Quiet Kids: Help Your Introverted Child Succeed in an Extroverted World, Christine Fonseca explique que les introvertis préfèrent un autre neurotransmetteur, l’acétylcholine. À l’instar de la dopamine, l’acétylcholine intervient aussi sur le plaisir, à la différence qu’elle nous procure une sensation de bien-être pendant l’intériorisation. Elle décuple notre capacité à réfléchir, à méditer et à nous concentrer intensément sur une seule chose pendant une période assez longue. Elle aide aussi à comprendre pourquoi les introvertis apprécient les environnements calmes: il est plus facile d’intérioriser lorsqu’on ne subit aucun stimulus extérieur. Quand je me détends chez moi, en toute tranquillité, plongée dans un livre ou à regarder Netflix, je me délecte des effets de l’acétylcholine.
Des systèmes nerveux différents
Une autre explication pour assembler le puzzle de la différence entre introvertis et extravertis se situe dans le système nerveux, écrit le Dr Marti Olsen Laney dans son livre The Introvert Advantage: How to Thrive in an Extrovert World. L’acétylcholine est liée au système nerveux parasympathique, que l’on appelle aussi "SNAp" ou système vagal, responsable d’activités comme la digestion et le repos. Lorsque nous le sollicitons, notre organisme économise de l’énergie et nous nous coupons de notre environnement. Nos muscles se détendent, nous emmagasinons de l’énergie, nous digérons les aliments, nos pupilles se rétractent pour ne laisser passer qu’un minimum de lumière, le rythme cardiaque ralentit et la pression sanguine baisse. En gros, notre corps se prépare à l’hibernation et à la contemplation, deux phénomènes que les introvertis apprécient le plus.
Extravertis comme introvertis utilisent ces deux systèmes à différents moments et sollicitent tout autant les deux types de neurotransmetteurs. Mais, comme on pouvait s’y attendre, les extravertis ont tendance à favoriser l’autre partie de leur cerveau: le système nerveux sympathique ou orthosympathique, en charge des instincts de survie, comme la fuite, l’attaque ou l’immobilisation. Cette partie de l’encéphale nous encourage à faire de nouvelles découvertes et nous rend actifs, audacieux et curieux. Le cerveau, alerte, se concentre sur ce qui nous entoure. Les taux de glycémie et d’acides gras libres augmentent pour nous fournir davantage d’énergie, et la digestion ralentit. Notre capacité de réflexion est limitée et nous nous préparons à prendre des décisions très rapides. Alors que les extravertis se délectent des émotions positives générées par la dopamine lorsqu’ils sollicitent le système nerveux sympathique, les introvertis, comme moi, y voient un trop grand stimulus.
Les introvertis sont-ils asociaux?
Si vous vous méprenez sur l’introversion, vous pouvez penser que les introvertis sont asociaux, solitaires ou impolis. Pendant le concert, je me suis précipité vers la porte d’entrée à la première occasion, abandonnant mes deux amis dans la salle. J’imagine qu’ils sont partis à contrecœur après la dernière chanson, une fois les lumières rallumées et après que le videur les a poussés dehors sans autre forme de procès. De mon côté, étant donné la façon dont fonctionne le cerveau des introvertis, il semble logique qu’après plusieurs heures de stimulation et de communication, j’aie éprouvé le besoin de m’isoler. Non pas que je n’apprécie pas les autres, mais les rapports sociaux me demandent plus d’efforts et me fatiguent plus vite que les extravertis. Bien installée à la maison, dans un environnement calme et familier, je me suis détendue et la pression est retombée. J’irai sans le moindre doute à un autre concert et je ressortirai avec des extravertis, mais seulement quand j’aurai pris le temps de me retrouver seule au calme pour me ressourcer. Et pas avant!
Cet article a d’abord été publié sur QuietRev.com, où l’on peut découvrir d’autres témoignages d’introvertis sur le travail, la vie et l’éducation parentale.
Repris sur le Huffington Post américain, il a été traduit par Mathilde Montier pour Fast for Word.
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