Dire « non », ce n’est pas toujours facile. On a peur de décevoir, de paraître égoïste, que l’autre nous juge… Mais pourquoi donc ?
Pour certain-e-s d’entre nous, parvenir à dire « non » peut s’avérer particulièrement difficile. Je dois bien vous l’avouer, je fais d’ailleurs partie de cette team-du-oui, et je me suis retrouvée bien trop souvent dans des situations tout à fait détestables parce que je n’avais pas su dire non – j’ai fait les devoirs de mon petit frère, j’ai ramassé des amis éméchés au beau milieu de la nuit… Bref, régulièrement, j’ai envie de me flageller avec des tagliatelles à cause de mon incapacité à refuser.
Mais pourquoi est-ce que dire « non », cela peut être difficile ? Que peut-on faire pour apprendre à refuser ?
Dire « oui » pour ne pas menacer nos relations
Pour Vanessa Bohns, psychologue sociale et professeure en sciences du management, beaucoup de personnes disent « oui » parce que dire « non » les mettrait dans une position qu’ils pensent encore plus inconfortable…
Pour la chercheuse, notre réticence à dire « non » pourrait être liée à l’importance que nous accordons au lien social et au sentiment d’appartenance : en refusant la requête d’un interlocuteur, nous aurions le sentiment de menacer le lien qui nous unit, de rejeter l’autre. Nous pourrions craindre qu’un « non » puisse changer la manière dont l’autre nous perçoit, ou puisse le heurter.
Bohns s’est penchée sur notre difficulté à dire « non » et a mené une étude (publiée dans le Personality and Social Psychology Bulletin) en 4 temps.
Dans une première étape, l’équipe menée par Bohns a demandé à 52 étudiant-e-s d’évaluer combien de personnes ils devraient approcher sur le campus pour parvenir à convaincre au moins 3 personnes de dire un petit mensonge (en l’occurrence, signer un formulaire affirmant que l’étudiant-e avait présenté des informations sur un nouveau cours offert par l’université, alors que l’étudiant-e ne donnait aucune information, et demandait simplement de signer le formulaire).
Après avoir donné leurs estimations, les mêmes étudiant-e-s partaient sur le campus pour tester leurs hypothèses : en moyenne, ils ont eu besoin d’approcher 4 (4,39, en vrai) personnes pour en avoir 3 qui acceptent de signer le formulaire. 91% des étudiant-e-s avaient largement surestimé le nombre de personnes qu’ils auraient dû approcher – en d’autres termes, ils/elles avaient surestimé la capacité des gens à refuser leur requête.
Dans une seconde partie de l’étude, l’exercice est similaire, mais cette fois, les étudiant-e-s doivent demander à des étrangers de « vandaliser » une bibliothèque en écrivant le mot « cornichon » sur l’une des pages d’un livre. Près de la moitié des personnes interrogées acceptent de gribouiller le livre, même s’ils commencent par protester ! Et une fois encore, les étudiant-e-s avaient sous-estimé la propension des gens à dire « oui » à une requête…
Les deux dernières parties de l’étude, réalisées par le biais d’un questionnaire en ligne, confirment les premières observations de l’équipe de recherche : nous sous-estimons la difficulté des gens à refuser ce qu’on leur demande, même lorsqu’on leur demande quelque chose qui n’est pas « éthique ». Et, par la même occasion, on sous-estime aussi notre rôle, notre responsabilité dans ce phénomène : lorsque l’on demande quelque chose à quelqu’un, on exerce une forme de pression sociale.
Du coup, nos interlocuteurs peuvent accepter nos requêtes pour différentes raisons : parfois parce qu’ils sont tout à fait ok pour faire ce qu’on leur demande, mais aussi parfois pour ne pas nous heurter, ou pour nous donner un coup de main – en somme, pour préserver notre relation et ne pas se sentir « coupable » de dire « non ».
Dire « non », c’est aussi prendre soin de soi
Parfois, effectivement, dire « non » pourra heurter votre interlocuteur, mais peut-être pas autant que vous le pensez : on a tendance à croire que les autres nous jugent plus sévèrement qu’ils ne le font en réalité, et les conséquences de notre « non » sont beaucoup plus négatives dans notre tête qu’en réalité.
On ne conseille pas de dire « non » à tout bout de champ, mais savoir et pouvoir dire « non », c’est tout aussi essentiel que savoir et pouvoir dire « oui » !
Pour la psychologue Judith Sills, dire « non », c’est même prendre soin de soi, prendre soin de notre temps, de notre énergie, de nos priorités, du travail que nous devons effectuer… Dire « non » permet de ne pas se retrouver à privilégier les contraintes des autres, de garder ses propres valeurs et convictions, de ne pas flancher face à une pression sociale.
Quelques conseils pour bien dire niet !
Pour apprendre à (bien) dire « non », les chercheurs-es nous proposent quelques conseils :
- Entraînons-nous à dire non, dans notre tête, devant notre glace, afin de ne pas paniquer face à un interlocuteur et de sortir un « oui » non désiré.
- Lorsqu’une demande vous prend par surprise et que vous ne parvenez pas à dégainer un « non » franc et massif, gardez à l’esprit qu’un « je vais y penser / laisse-moi un peu de temps pour y réfléchir » peut vous sauver. Prendre du recul pourra vous permettre de refuser plus facilement !
- Ne vous laissez pas tenter par un « peut-être la prochaine fois » si vous ne le pensez pas réellement : cela risque d’induire une attente chez votre interlocuteur, et de vous coincer plus tard.
Dans la mesure du possible, essayez également de garder un ton calme et bienveillant : avec un peu de stress, nous pouvons avoir tendance à être un peu plus abrupt-e-s. Si votre interlocuteur insiste, essayez de ne pas flancher pour dépenser votre temps et votre énergie comme vous le souhaitez !
Pour aller plus loin…
- Le compte Twitter de Vanessa Bohns @profbohns et ses publications scientifiques
- Un podcast avec la chercheuse
- L’article du Wall Street Journal
- Une étude de Daniel A. Newark
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