CHICAGO - L'une est une écolière en pleine santé, l'autre une étudiante en psychologie à l'université. Mais à leur naissance, elles étaient parmi les nourrissons les plus petits à avoir jamais vu le jour: moins de 500 grammes dans le pèse-bébé.
Le rapport médical du spécialiste qui leur a sauvé la vie dans un hôpital de la banlieue de Chicago est à la fois un conte de fées et un ferme avertissement.
Ces deux grandes prématurées constituent l'exception plutôt que la règle, et leur remarquable état de santé plusieurs années après leur naissance ne devrait pas créer de faux espoirs: la plupart des nourrissons nés si petits ne survivent pas très longtemps malgré un soutien médical intensif.
«Ce sont des cas tellement extrêmes», explique le docteur Jonathan Muraskas, du centre médical de l'Université Loyola. Les deux filles ne devraient pas être considérées comme des balises qui indiqueraient aux médecins à partir de quel poids tous les nouveau-nés peuvent être sauvés, ajoute-t-il.
Madeline Mann, née en 1989, détenait à sa naissance le triste record du monde du bébé le plus petit à jamais voir la lumière du jour: seulement 280 grammes. Puis, au début de la dernière décennie, Rumaisa Rahman naissait à 260 grammes. Elle détient toujours le record.
Une étude publiée lundi dans la revue scientifique Pediatrics se penche sur une question controversée, qui aurait pu coûter la vie à Madeline et Rumaisa. Elle a fait l'objet de débat lors de leur naissance et n'a toujours pas trouvé de réponse: à partir de quel âge ou poids un nouveau-né est-il viable?
«Personne ne le sait», avoue le docteur Stephen Welty, spécialiste en néonatalogie dans deux hôpitaux de Houston.
Le docteur Muraskas et les coauteurs de l'étude affirment que la plupart de leurs confrères dans la même spécialisation estiment que les foetus ont de bonnes chances de survie après 25 semaines de gestation, et devraient donc bénéficier d'une intervention médicale s'ils ont de la difficulté à respirer. Les prématurés plus jeunes sont généralement dans une «zone grise», dans laquelle l'opportunité d'intervenir n'est pas toujours claire.
Au Japon, les médecins ont décidé de réduire cette balise de viabilité à 22 semaines, alors qu'une gestation dure normalement 40 semaines.
Certains médecins américains tenteront de sauver un bébé de 22 semaines, mais ce n'est pas la norme, selon le docteur Edward Bell, professeur de pédiatrie à l'université de l'Iowa.
Le médecin tient un registre informatisé des naissances très prématurées dans le monde, notant toutes les naissances de bébés de moins de 400 grammes. Depuis 1936, 124 naissances ont été enregistrées. Cette base de données repose toutefois sur une déclaration volontaire des informations, et ne représente pas la totalité des cas.
M. Bell estime qu'environ 7500 bébés naissent aux États-Unis chaque année à moins de 400 grammes, et qu'environ 10 pour cent d'entre eux survivent.
Parfois, un minuscule bébé prématuré n'ayant aucune chance de survie montre des signes de vie et pourrait respirer un moment dans un incubateur et sous perfusion. «Mais si ce bébé n'a aucune chance, nous ne voulons pas lui causer du tort, ou encore en causer à sa famille», affirme Edward Bell.
M. Muraskas affirme que son rapport prouve un fait important: le temps passé dans le ventre de la mère est plus important que le poids à la naissance.
À leur naissance, Rumaisa et Madeline avaient toutes deux la taille d'une main et pesaient moins qu'une cannette de boisson gazeuse, soit le poids normal d'un foetus après 18 semaines de gestation. Mais elles avaient passé plus de temps dans le ventre de leur mère — presque 26 semaines pour Rumaisa et presque 27 pour Madeline. Leurs poumons et leurs autres organes étaient donc assez développés pour rendre la survie possible.
Mais les deux minuscules bébés ont eu besoin de soins médicaux intensifs. Elles sont toutes deux nées par césarienne un mois avant terme, après que leur mère eut développé une pré-éclampsie, un grave problème d'hypertension artérielle lié à la grossesse. Les prématurées ont ensuite été branchées sur des appareils respiratoires avec des tubes aussi minces que des spaghettis.
Avant les naissances, les mères avaient pris des stéroïdes pour accélérer la croissance des poumons immatures de leur foetus.