Les tests spécialisés utilisés dans les domaines de la psychologie, de la psychomotricité et de l’orthophonie, entre autres, plus particulièrement au niveau des enfants, constituent un domaine d’activité qui ne cesse de prendre de l’ampleur et de s’imposer comme un instrument de travail souvent incontournable pour l’encadrement des enfants. Cette nouvelle donne pose d’emblée un important problème d’éthique. Qui est habilité à utiliser ce type de tests ? Et d’une manière plus précise, quel test devrait être utilisé, dans quel cas, et dans quel contexte ? Autant de questions vitales pour le bien-être de l’enfant qui ont été débattues au cours d’un colloque organisé par « Liban tests éditions », qui représente au Liban les principaux producteurs de tests dans le monde (les ECPA, Pearson et Hogrefe).
L’organisation de ce séminaire, le premier du genre, répond à une nécessité professionnelle en milieu scolaire, hospitalier, clinique et au plan des ressources humaines. Ayant pour thème général « l’éthique professionnelle dans l’utilisation des tests », le colloque s’est tenu à la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Saint-Joseph et a été organisé en collaboration avec le département de psychologie, l’Institut de psychomotricité et l’Institut supérieur d’orthophonie de l’USJ.
Les responsables de « Liban tests éditions » s’étaient fixé dans ce cadre plusieurs objectifs : revoir le rôle de chaque professionnel concerné par les tests pour enfants et pour adultes ; contribuer à redéfinir les frontières de chaque type d’exercice et sa relation avec les disciplines connexes ; insister sur la complémentarité et le travail pluridisciplinaire ; adopter des recommandations nationales et/ou un référentiel sur l’éthique de l’utilisation des tests au Liban, et surtout insister sur l’aspect moral de la pratique évaluative.
Comité scientifique
Le Comité scientifique qui a supervisé l’organisation du colloque regroupait des professionnels, des universitaires, et des chercheurs en la matière : Antoine Chami, psychologue, chef du département de psychologie à l’Université libanaise ; le Pr Mounir Chamoun, psychanalyste, professeur à l’USJ ; le Pr Mirna Ghanagé, psychologue, professeur à l’USJ ; Viviane Matar Touma, psychologue, professeur à l’USJ, directrice de Liban tests éditions (LTE) ;
Carla Matta Abi Zeid, psychomotricienne, directrice de l’Institut de psychomotricité (IPM) à l’Université Saint-Joseph ; Camille Moitell Messara, orthophoniste, directrice de l’Institut supérieur d’orthophonie (ISO) de l’Université Saint-Joseph ; le Pr Antoine Roumanos, psychologue, chef du département de psychologie à l’Université Saint-Joseph.
M. Roumanos, représentant le doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’USJ, Jarjoura Hardane, a prononcé le mot d’ouverture du colloque, mettant l’accent sur l’importance du respect des valeurs humaines en clinique infantile et adulte. Il a souligné la nécessité d’une formation des professionnels en la matière, insistant sur l’importance de l’éthique dans l’exercice de leur profession.
Mme Touma, directrice de LTE, a de son côté évoqué les conditions requises pour l’utilisation des tests tant au niveau professionnel que sur le plan de l’outil. « Il est nécessaire que le professionnel ait toutes les compétences requises pour utiliser les tests, qu’il sache se limiter aux outils de sa profession, qu’il connaisse son rôle, ses limites, qu’il soit conscient de la nécessité de préserver la confidentialité, qu’il respecte les valeurs humaines, en bref qu’il agisse d’une manière professionnelle et éthique », a notamment déclaré Mme Touma dans son mot d’ouverture du colloque.
Georges Cognet
Après les allocutions d’accueil, M. Georges Cognet, psychologue, enseignant à Psycho Prat (France) et expert auprès des éditions du Centre de psychologie appliquée, Paris, a donné une conférence sur le thème « Le test psychologique, psychomoteur, orthophonique, outil de diagnostic, de précision et d’évaluation ». Il a notamment montré les caractéristiques de base d’un test et sa place dans l’examen psychologique ainsi que la part de chaque professionnel en clinique infantile et adulte.
Une table ronde dirigée par Mme Touma a ensuite porté sur le thème « La place du test en clinique infantile et adulte : quel outil, pour quel professionnel ? ». Cette table ronde a regroupé divers professionnels qui ont partagé leurs expériences et leur vécu, mettant en relief les difficultés rencontrées tout au long de l’exercice professionnel.
Le père Michel Scheuer s.j., directeur du centre d’éthique à l’Université Saint-Joseph, a soulevé de son côté la question de l’éthique, mettant en relief trois principaux axes sur ce plan : l’examinateur et la nécessité de sa formation continue ; la personne examinée et la nécessité de l’information et de la confidentialité ; le test et l’importance des critères de base (représentativité, étalonnage local, validité et fidélité).
Mme Gisèle Kazour, chef du département psychologique à l’Hôpital de la Croix, a soulevé la question de l’éthique de l’utilisation des tests en milieu psychiatrique en insistant sur la personne du professionnel et l’importance de sa formation, mais aussi sur la personne du patient. Celui-ci est dans la plupart des cas non conscient de sa situation maladive et devrait être protégé et respecté, surtout qu’il subit le traitement et la démarche thérapeutique sans les avoir même demandés.
Danielle Pichon, psychologue en libéral et en milieux scolaires, a montré pour sa part l’importance du travail pluridisciplinaire, partant de l’expérience vécue au sein de son équipe depuis des années : évaluations par discipline, réunions de synthèse, accompagnement parental, orientation.
Mlle Diane Yammine, psychologue clinicienne, a axé son intervention sur les difficultés et les contraintes rencontrées en milieu scolaire : absence de travail d’équipe, outils dans la majorité des cas non adaptés ni étalonnés à la population libanaise, diagnostics sauvages, interprétations souvent non conformes à la situation, etc.
Table ronde
Mlle Viviana Lahoud, psychologue, enseignante à la faculté de pédagogie de l’Université libanaise, a évoqué les difficultés rencontrées dans le cadre de son exercice à l’hôpital militaire : absence d’outils réactualisés et adaptés à la population libanaise, absence de cadre propice à une évaluation, absence de respect de la personne du patient, non-respect des conditions et des modalités techniques de l’évaluation.
M. Tarek Féghali, orthophoniste, a insisté sur le rôle de l’orthophoniste dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire, notamment en ce qui concerne les tests utilisés, la démarche auprès de l’examiné, et la mise en commun avec les autres professionnels.
M. Georges Cognet (ECPA) a donné ensuite une deuxième conférence sur le thème « Éthique et déontologie dans l’utilisation des tests. Conférence de consensus », suivie d’une table ronde qui avait pour thème : « Outil clinique, outil de recherche ; état des lieux au Liban ». M. Antoine Roumanos a animé cette table ronde avec le concours de chercheurs dans le cadre universitaire. Carla Abi Zeid (IPM, USJ) et Camille Messarra (ISO, USJ) ont exposé chacune de son côté l’état des lieux concernant la recherche et l’adaptation de tests psychomoteurs et orthophoniques au niveau de la population libanaise.
M. Antoine Chami (psychologie, UL) a souligné de son côté l’importance des recherches en matière projective, évoquant les résultats de ses propres études en la matière.
Mlle Joumana Akiki (éducation, UL) a évoqué la part de la recherche en milieu scolaire : difficultés à trouver des outils répondant aux critères de l’étude ; difficultés à respecter des codes déontologiques et des exigences de la recherche. Elle a souligné sur ce plan que « les chercheurs mettent souvent en place leurs propres outils d’évaluation, ce qui pose plusieurs problèmes d’ordre méthodologique ».
M. Robert Rizk (psychologue, USJ) a pour sa part abordé le fonctionnement du centre de soins dont il est responsable à l’Université Saint-Joseph et l’état des lieux dans le domaine de la recherche.
Le colloque a été clôturé par Mme Touma qui a résumé les grands axes débattus tout au long du séminaire, soulignant l’importance des recommandations internationales sur l’utilisation des tests, qui présentent une approche nouvelle des questions déontologiques posées par l’utilisation des tests : approche axée sur les personnes impliquées par la passation des tests, sur la situation et le contexte de la passation, ainsi que sur les compétences des professionnels.