"C’est pire que l’an dernier ", résume Frédéric Dardel, président de l’université Paris-Descartes. L’établissement parisien a pourtant déjà l’habitude d’être sous tension : en licences de Staps, de psychologie ou encore sa Paces (Première année commune des études de santé).
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"Dans ces filières très attractives, nous restons aux extrêmes limites de nos capacités, mais surtout, nous accueillons plus d’étudiants dans d'autres : le droit et les mathématiques. Nous sommes vraiment ‘border line’, avec des problèmes de locaux terribles, des étudiants assis par terre, des services de scolarité au bord du burn-out… Nous sentions déjà cette pression monter l’an dernier, et pourtant, le véritable boom n'est annoncé que pour 2018 ! Et tout cela n’est absolument pas anticipé", alerte-t-il.
Psycho : toujours plus de demandes à gérer
Chez les psychologues, ce n’est pas la foule dans les amphis qui a surpris l’équipe enseignante et administrative. Cela fait plusieurs années que la licence 1 compte 900 étudiants.
"Nous sommes dans une situation de saturation : il est impossible, en cas d’imprévu, de trouver une salle ou de déplacer un cours, décrit Ewa Drozda, directrice de l’Institut de psychologie Paris Descartes. En L1, nos enseignants font trois fois le même cours chaque semaine, nous ne voulons pas voir des étudiants assis dans les escaliers."
Lors du cours d’introduction à la psychologie sociale de Virginie Bonnot, le 29 septembre 2015, seuls trois ou quatre étudiants étaient installés dans les travées, en haut de l’amphi de près de 300 places."Beaucoup d’étudiants préfèrent l’horaire du mardi matin, sourit la maître de conférences, donc ils ne viennent pas forcément à celui qui leur a été indiqué."
Le cours en amphi d’introduction à la psychologie sociale à l’Institut de psychologie Paris-Descartes, a rassemblé 300 étudiants, dont trois ou quatre installés dans les travées, le 29 septembre 2015. // © Camille Stromboni
Une situation d’affluence habituelle à laquelle s’est ajoutée cette année celle, imprévue, des demandes. "Nous avons eu beaucoup de difficultés à gérer les demandes supplémentaires, qui ont doublé cette année, de la part de bacheliers ou d’étudiants qui n’avaient pas eu d’affectation ou qui voulaient absolument venir à Paris Descartes, explique la directrice Ewa Drozda. Les services ont été surchargés dès la fin août, avec ce travail au cas par cas. Alors que tous les personnels sont déjà usés et fatigués de cette situation "exceptionnelle" [de sureffectif étudiant par rapport au nombre d’enseignants et de salles] qui est devenue notre quotidien."
A la fac de droit : 250 étudiants de plus en L1
Un sentiment partagé chez les juristes de Descartes. "Nous sommes rentrés depuis moins d’un mois et tout le monde est déjà épuisé", résume le doyen de la faculté, Anne Laude. Ce sont en effet… 250 étudiants de plus qui se sont installés à Malakoff en cette rentrée 2015 ! Soit une promo de Licence 1 qui est passée d’un coup de 900 à 1.200 étudiants.
"Ce sureffectif n’a pas du tout été anticipé, souligne la juriste. Personne ne nous a prévenus, alors que nos capacités d’accueil étaient déjà au maximum. En rouvrant les services, le 20 août, nous avons eu des remontées alarmantes de nos services administratifs, qui ont dû gérer ces inscriptions supplémentaires, affectées par APB, sans aucune aide. Il a fallu trouver en urgence des chargés de cours, ce qui n’a pas toujours été possible. Nous avons donc des TD parfois surchargés, avec jusqu’à 50 étudiants. En termes de sécurité, on dépasse largement les limites. Les étudiants assis par terre, c’est du quotidien."
Il faut arriver très tôt pour avoir une place. Pas mal de gens sont debout. C’est très désagréable, ça ne donne pas du tout envie de rester.
(Clémence, étudiante en L1)
Clémence et Paola, qui redoublent leur première année de droit, ont vu la différence en amphi. "Il y a beaucoup plus de monde, souligne Clémence. Il faut arriver très tôt pour avoir une place. Pas mal de gens sont debout. C’est très désagréable, ça ne donne pas du tout envie de rester." Un phénomène qui concerne surtout la rentrée. "Ça a déjà commencé à se vider, reconnaît l'étudiante. C’était surtout vrai les deux premières semaines."
"Évidemment, la densité très forte dans l’amphi en cette rentrée nuit à la qualité d’écoute, note David Kremer, professeur de droit qui fait face à 400 étudiants dans l’amphithéâtre Delbarre, pour un cours d’introduction historique au droit, le 28 septembre 2015.
Et au-delà de ces questions du quotidien, ce sont aussi les projets qu’il va falloir reporter qui inquiètent le doyen. "Ces effectifs considérables, ce sont des coûts imprévus impliquant – à budget constant – d’abandonner certains projets que nous avions budgétés, par exemple pour rénover certaines parties de la fac", décrit la professeure de droit.
En revanche, pas question de reporter l'expérimentation pédagogique portée par une équipe d'enseignants depuis plusieurs mois : la mise en place d'un atelier de "perfectionnement rédactionnel", pour accompagner 180 étudiants chez qui l’université a décelé des difficultés à la rentrée. Des choix de plus en plus cornéliens d'année en année.
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